Vous aurez certainement remarqué qu’être avec Dominique et avoir enfin l’impression que mes études en droits de l’homme seront utiles m’a énormément stimulé. Faire partie des différents projets qu’elle a mis en place et gérer m’a fait changer ma façon de voir les choses, cela m’a aussi permis de restaurer ma foi en l’humanité.
Je suis donc allé avec elle en 8 jours et il n’y a pas un seul jour où je n’ai pas repensé ma façon de penser au choc culturel, à l’histoire des pays et d’adopter une approche très philosophique de la vie et de ses différences.
Venant d’Europe, où la situation économique est si différente de l’Asie et surtout de l’Indonésie, j’ai appris à être flexible, à rompre la rigidité avec laquelle je voyais les choses. En Europe, l’enfant est le plus important, les parents sur-protègent et feraient tout pour leur bonheur. En Indonésie, l’approche n’est pas la même. Il est tout à fait normal de voir des enfants de 10 ans ou moins travailler à 20 heures au bord de la route, tout seuls, vendant de la nourriture ou des collations à des prix ridiculement bas. C’est normal parce que les parents sont si pauvres que si les enfants n’aident pas les parents, ils ne survivraient pas. Ils n’ont pas toute l’aide que nous avons (et dont nous nous plaignons constamment, la bouche grande ouverte).
Les pays européens, les pays riches, ils m’exaspèrent avec leurs petits comportements d’enfants capricieux qui pleurent parce qu’ils n’ont pas leurs jouets. Je ne dénigre pas les problèmes en Europe, mais je méprise l’intolérance et la stupidité des gens. Nous vivons dans une société où nous sommes contrôlés par les médias. Nous entendons tous les jours les mêmes discours, les mêmes discours qui nous font croire que c’est la fin du monde, et que tout cela est la faute des immigrés ou des réfugiés. Ce genre de discours me rend malade dans mes tripes. Ce phénomène est appelé “politique post-vérité”, c’est-à-dire que les politiciens utilisent les craintes des citoyens et les discours médiatiques comme véridiques. Ils utilisent l’opinion publique dans leurs discours politiques. Fondamentalement, les médias nous effraient, et les politiciens utilisent notre peur pour faire un discours que nous voulons entendre: ils vont éliminer cette peur (dans ce cas les immigrants). Ce discours n’a absolument aucun sens. Cette peur est un fantasme politique qui n’existe pas.
Bref, revenons au sujet. Donc, en 8 jours, j’ai découvert beaucoup de choses. J’ai découvert l’autre côté de l’Indonésie. J’ai découvert une Indonésie qui n’existe pas aux yeux des politiciens et aux yeux du monde. Une Indonésie où des enfants vivent dans des décharges, une Indonésie où des villages entiers n’ont même pas accès à Internet, une Indonésie où les enfants travaillent au lieu d’aller à l’école, une Indonésie où les enfants n’ont pas de jouets et n’ont qu’une fourchette en plastique le sol pour jouer avec.
À Harau, nous avons acheté des sacs pleins de jouets et de jeux pour les aider à ouvrir leurs esprits. Nous avons également rencontré le gouvernement et le ministère du Tourisme pour développer un festival de musique et de danse traditionnelles, afin de développer cette magnifique région encore peu connue. Ce festival permettra à la fois de générer des revenus pour la communauté locale et de promouvoir les traditions locales (comme les chansons de Minang).
Il ne suffit pas de jouer à l’autruche et de croire que ce genre de situation n’arrive qu’aux autres. Vous pourriez aussi être né dans l’un de ces pays. Les pays les plus pauvres ont plus à offrir que nos pays riches et individualistes. Je voyage parce que je ne peux plus être entouré de fausses personnes qui vous parlent par intérêt. Ici, au moins, quand vous offrez un morceau de papier et des crayons de couleur, vous vous sentez comme le Père Noël. Ce sentiment vaut tout le bonheur du monde. Réfléchissez deux fois
Anais Bargallo, étudiante en droits de la personne, Université Gadjah Mada